J’ai toujours dit que j’avais ici proportionnellement plus de chances de périr dans un accident de bus que de croiser le crâne d’un occidental. Et bien la proportion se précise : j’ai 12 000 fois plus de chances de mourir dans un bus, c’est dit.
Hier, c’était la sortie la plus attendue et la plus redoutée de l’année : Shopping Day in Guangzhou. Redoutée par moi pour le trajet – Gaomin-Guangzhou, j’ai déjà pas mal donné, xiexie - et le monde - la Chinoise la plus squelettique du monde m’a prévenu que les magasins étaient bondés, et je suis shoppingfoulophobe. Redoutée par A Qin, parce qu’elle se jure de rester dormir dans les rues commerçantes si elle ne trouve rien – ce qui, en général, lui met bien la pression, et elle ne trouve rien. Donc, hier, parées pour le grand saut (ombrelle ? j’ai ! Portefeuille ? J’ai ! Patience… on verra !), on prend deux bus pour rejoindre la Cité des Merveilles. Premier bus, je suis debout entre deux déménagements dans l’allée, le nez à hauteur d’aisselle de la communauté ; deuxième, je suis assise mais un sale gosse fait un morpion avec des morceaux de prune sur mes cheveux fraîchement lavés. Au bout de 30 min où il perd systématiquement contre lui même, je craque. Je me retourne avec mon plus beau et carnassier sourire, et annonce un souriant mais ferme « Pu iao » (Stop). Le gamin me montre ses molaires du fond, je me rassois, rebelote, une demie-prune – il se trimballe avec son prunier ou quoi - entre en contact direct avec ma tempe. Une fois, deux fois. Là y’en a un peu super marre, la mère dort avec la gougoutte au coin du bec, je me retourne pour être bien comme il faut en face du monstre, et je lui assène un sonore « Mais va te faire baptiser chez les Mormons !! ». J’ai pas souri, j’ai bien froncé les sourcils dans le bon sens. Et ben, les Mormons, ça marche. Par contre j’ai eu du mal à traduire à A qin écroulée – parce qu’épargnée par l’odieuse attaque de la moussaka géante.
Les courses en elles mêmes, c’était, comment dire, spécial. Je fais en général les miennes seule, ça épargne aux gens mes états d’âme et l’attente aux cabines, et je vais où je veux. A Qin a un magasin fétiche, dont elle connaît la liste des succursales par cœur, dans toutes les villes du Guangdong. Et hors de ce magasin fashieun, Ebase, point de salut, c’est la honte, trop ringard. Donc après avoir fait les 3 premiers de Guangzhou sur 5, et n’avoir pas trouvé les vêtements de ses rêves (elle a un goût très …spécial, additionné d’une impossibilité de prendre une décision et d’un besoin d’être confirmée avec enthousiasme dans ses choix. Quand le choix s’avère être un sweat-shirt oversize moutarde avec une collerette rembourrée et un motif vert – je n’invente rien – j’ai du mal à être enthousiaste), j’ai fini par, sacrilège, rentrer dans un autre magasin ; elle m’a tiré en arrière et fait « no, pas là, c’est nul ». Bouin, cça avait l’air bien. La séance Shopping Day s’est finalement avérée être « visite de tous les Ebase du coin », de fond en comble, ponctuée de lamentations « je trouve rien, je vais mourir, je vous préviens je reste là ce soir ». Ceci dit j’admire sa constance, parce que les demies heures de métro entre chaque Ebase, elle se les farcit tous les mois, et moi rien qu’une fois dans mon séjour, ça m’a tapé sur le haricot.
J’ai quand même remporté une minivictoire (youhouu) en entrant dans un magasin qui jouxtait un E base – paye ta ruse de Sioux – et miracle j’ai trouvé un truc dans lequel investir. Même si j’ai failli énucléer la vendeuse qui me suivait collée à mon ombre entre tous les portants, j’ai fini par acheter. Et là, Festival des Mille Flowers, c’est comme si j’avais gagné au Loto. Je n’ai pas acheté le plus cher du magasin, mais arrivée à la caisse la fille me dit d’un air désolé « on ne fait pas de discount sur celui là, alors choisissez ce qui vous plaît dans les accessoires du comptoir ». Uéééééé. J’ai filé un parfum à Aqin, j’ai pris une ceinture, et je m’éloigne quand elle me dit « Vous avez aussi le droit à un bouquet gratuit dans le salon VIP là haut ». Là un doute s’insinue en moi, je ressors discrètement mon ticket de caisse en priant très fort de ne pas m’être gourée d’un ou deux zéros dans la conversion, mais non, c’est bien ça. Et nous voilà en train de composer un bouquet avec des lis et des orchidées dans un boudoir feutré.Pour avoir acheté un article je ressors avec 10 sacs et les larmes émues de la vendeuse. Avis : Je cherche encore le magasin qui offrirait des pâtisseries pour tout montant supérieur à 20 euros.
Dans le bus du retour, sous un paysage lunaire, A Qin et moi chantant à tue tête du Jack Johnson et du Jenifer (elle adore), essayons de couvrir les aventures de Jackie Chan contre le méchant allemand, doublé en chinois, terrible. Y’a vraiment des choses qui vont me manquer à mon retour.